Partant de notre profonde préoccupation concernant la situation du pays marquée par un effondrement généralisé et une frustration sans précédent, aggravée par le fait que le populisme a privé les Tunisiens de la possibilité d'améliorer leurs conditions par des mécanismes démocratiques, et croyant en la nécessité d'exploiter positivement tous les acquis de l'indépendance, les réalisations de l'État-nation et de la révolution de la liberté et de la dignité ; et en contribution à la reconstruction du système républicain pluraliste dont les fondements ont été sapés par l'incompétence, la médiocrité et l'échec ; et en alignement avec le choix de sauvetage et de réforme autour duquel nous nous sommes rassemblés pendant des mois aux côtés d'un groupe de personnalités nationales, de jeunes très ambitieux et hautement compétents et de représentants des forces vives du pays.

Nous présentons par la présente ce programme comme une nouvelle étape vers l'établissement d'une réforme profonde et globale qui touche tous les secteurs vitaux de l'État et de la société. Il ne s'agit pas simplement d'un ensemble de mesures isolées, mais d'une vision intégrée pour reconstruire la Tunisie sur des bases solides de compétence, de transparence et de justice sociale.

Travailler avec toutes les forces actives et plurielles, sans exclusion ni marginalisation, au service de l'intérêt supérieur de la nation et dans la défense résolue de ses piliers civilisationnels, démocratiques et développementaux fondateurs, piliers qui unissent tous ses citoyens, hommes et femmes, afin de consolider la réalisation stratégique primaire de notre pays : son unité nationale, tout en s'efforçant de mobiliser positivement cette unité nationale pour soutenir et sauvegarder le climat de pluralisme qui caractérise notre société, et établir des approches efficaces pour gérer les différences et assurer la bonne gouvernance des institutions démocratiques, afin de réaliser une interaction significative entre développement et démocratie en tant que mécanismes essentiels pour le bien-être de notre peuple.

Œuvrer pour garantir toutes les conditions nécessaires à la pleine indépendance du pouvoir judiciaire en tant qu'autorité souveraine, pour faire respecter la justice et garantir l'équité, rejeter la violence, la haine et le ressentiment, et promouvoir activement la paix dans tout le pays. S'efforcer d'élargir la portée des efforts pour combattre toutes les formes de criminalité et d'atteintes aux personnes et aux biens, et répandre un sentiment de sécurité et de réassurance parmi les citoyens.

Nourrir une ferme conviction de la nécessité de promouvoir une réconciliation nationale globale entre les institutions de l'État et les citoyens, entre les forces politiques et les mouvements intellectuels, et entre les différentes régions et groupes sociaux du pays, afin de créer l'environnement pour une réforme approfondie et inclusive qui permette l'identification des trajectoires politiques et développementales qui peuvent s'enraciner dans nos réalités, libres d'impositions, de diktats ou de politiques d'alliance/bloc, protégeant ainsi notre processus décisionnel national souverain tout en s'engageant de manière constructive avec la communauté internationale d'une manière qui réalise les aspirations de notre peuple au progrès et à la liberté.

Œuvrer pour renforcer notre identité arabo-islamique tout en restant ouverts aux civilisations humaines, en promouvant constamment une culture de tolérance, de modération et d'équilibre, et en nourrissant un esprit de créativité. Investir dans une vie culturelle dynamique et ciblée, et assurer le développement d'un projet culturel national comme fondement pour la construction des capacités humaines et comme mécanisme pour le rayonnement et l'excellence de la Tunisie. Une culture florissante est le fondement d'une nation florissante.

Ce modèle assurera l'interaction entre des secteurs de services modernes et efficaces basés sur la technologie avancée, l'intelligence artificielle et les activités industrielles et agricoles productives essentielles dans les villes côtières et intérieures. Il intégrera également les contributions participatives de l'économie solidaire et les opportunités émergentes des professions environnementales et de l'économie verte. Ce modèle posera les bases d'une nouvelle génération de jeunes éduqués et ambitieux qui ont acquis des connaissances dans des centres de recherche et de formation et sont capables de créer de nouvelles possibilités d'emploi en développant des initiatives économiques et en pénétrant les marchés nationaux et internationaux.

Œuvrer pour faire de l'emploi un objectif central du développement et un facteur clé dans l'élaboration des politiques éducatives, de formation, économiques et sociales. La croissance économique est une condition essentielle pour créer des opportunités d'emploi pour les jeunes, mais elle n'est pas suffisante en soi. Elle nécessite également une concentration sur les secteurs à forte intensité de main-d'œuvre, en particulier pour les diplômés universitaires, ainsi qu'une politique de formation qui restaure la valeur des professions techniques et des services à haute valeur ajoutée.

Mettre en œuvre la décentralisation et la gouvernance non centralisée dans le cadre d'une politique de développement inclusive. Cela devrait capitaliser sur tout le potentiel de croissance, améliorer les services de proximité et mettre en œuvre des mécanismes modernes qui assurent la synergie entre les pôles de croissance et leurs secteurs respectifs. Il devrait également s'engager pour le développement des communautés locales, soutenir l'administration municipale et protéger son indépendance pour assurer la continuité des affaires de l'État avec justice et transparence et gérer les affaires des résidents locaux, indépendamment des partis politiques et des forces représentés dans les conseils municipaux.

Adopter une politique commerciale proactive et une politique de réforme efficace pour le secteur des transports et de la logistique en général, visant à ouvrir les marchés aux biens, expertises et investissements tunisiens, et établir des mécanismes pour encourager la pénétration et la diversification de ces marchés aux niveaux régional et international. Il est essentiel que l'État, les organisations professionnelles et les organismes spécialisés adoptent des incitations pour promouvoir les produits tunisiens comme force motrice vers le développement des infrastructures productives et de l'investissement.

Mettre en œuvre des initiatives significatives pour s'adapter au changement climatique et participer activement au processus international à cet égard, et concevoir une politique énergétique alternative qui serve le nouveau modèle de développement.

Cibler spécifiquement les deux projets nationaux liés au dessalement de l'eau de mer dans les zones côtières et à l'énergie solaire dans diverses régions intérieures, en particulier dans le sud et le centre, visant à développer l'agriculture irriguée et à soutenir les zones agricoles comme pierre angulaire du développement agricole et des industries de transformation alimentaire.

Poser les fondements de la justice sociale parmi les catégories sociales et les régions de Tunisie, soutenir son système de santé en termes de recherche, de prévention et de traitement dans toutes les régions de la République, ouvrir des perspectives pour l'avancement de sa jeunesse, et assurer une vie décente pour tout son peuple dans le cadre d'une solidarité nationale active qui combat la pauvreté et l'exclusion et protège la dignité humaine dans une approche globale basée sur les droits de l'homme et une orientation ambitieuse vers l'amélioration de la qualité de vie des citoyens.

Soutenir les personnes ayant des besoins spéciaux et prendre la responsabilité de ceux que la vie a laissés pour compte par l'implication de l'État via une institution nationale de travail social chargée de mettre en œuvre des politiques de solidarité et de protection pour toutes les catégories vulnérables et défavorisées, quelles que soient les causes et les facteurs, dans une approche humanitaire globale. Assurer le soutien de toutes les structures et mécanismes spécialisés pour faire face aux maux sociaux largement répandus dans la société, tels que la toxicomanie, la traite des êtres humains, la violence contre les femmes, le harcèlement sexuel et l'intimidation, et établir des politiques intégrées pour leur prévention et leur traitement afin que les familles tunisiennes ne soient pas laissées seules face à ces fléaux.

Dans le cadre du programme stratégique national de lutte contre la pauvreté, mettre à jour les méthodes utilisées pour mesurer la pauvreté et définir ses seuils, en tenant compte de l'augmentation du coût de la vie, des répercussions des conditions internationales instables et des nombreux accidents de la vie, en utilisant les moyens techniques les plus récents pour préparer un registre des familles pauvres et à faible revenu soumis à une révision et une évaluation continues et automatisées.

Réorienter la politique étrangère de la Tunisie en restaurant la position naturelle du pays dans son environnement régional et international en renforçant le front intérieur et en adoptant une politique étrangère réaliste et équilibrée. Cette politique exploitera le capital historique et intellectuel de la Tunisie basé sur la modération, la neutralité positive, la médiation constructive, l'anticipation, l'initiative et la capacité de proposition pour résoudre les crises actuelles, en vue de défendre la souveraineté nationale, soutenir les politiques de développement de l'État et renforcer les ponts de dialogue et de partenariat avec les pays amis basés sur le respect mutuel et les intérêts partagés, loin des rhétoriques idéologiques, du populisme et des positions conflictuelles.

Cette approche réformiste nécessite principalement une activité diplomatique large et de haut niveau pour restaurer la chaleur et l'équilibre dans les relations bilatérales et multilatérales de la Tunisie, réparer tout dommage, regagner la confiance des amis et des partenaires internationaux dans la capacité de la Tunisie à se relever, surmonter tous les défis, favoriser un climat de confiance par la résolution de toutes les frictions résiduelles pour assurer le retour du dialogue et la restauration du dynamisme coopératif afin d'ouvrir de larges horizons pour le développement et le partenariat.

La Tunisie devrait également se réconcilier avec son environnement africain et établir une véritable politique africaine qui restaure la confiance dont elle jouissait dans les années 1960 et 1970. Cela peut être réalisé par l'échange de visites, la création d'amitiés de haut niveau, la reprise des consultations politiques et de la coopération économique, médicale et technique, et la rupture de la barrière de l'isolement en visitant les pays d'Afrique subsaharienne après de nombreuses années d'absence, ainsi qu'en participant régulièrement aux sommets africains dont la Tunisie a été continuellement absente.

En outre, l'État tunisien est aujourd'hui tenu de soutenir le secteur privé et de l'accompagner en Afrique en élargissant la portée diplomatique, en renforçant les capacités de nos ambassades sur le continent africain, en fournissant une couverture bancaire et d'assurance, en sécurisant le transport aérien et maritime, entre autres mesures, et en tirant un usage optimal notamment de la Zone de libre-échange continentale africaine, qui offre des perspectives prometteuses.